Cameroun : Climat social tendu au lendemain du scrutin présidentiel du 12 octobre 2025
Au lendemain du scrutin présidentiel du 12 octobre 2025, le Cameroun traverse une période post-électorale marquée par des revendications de victoire, des rumeurs et quelques tensions isolées. Alors que le Conseil constitutionnel poursuit la centralisation des résultats, les acteurs politiques multiplient les prises de position, alimentant un climat social fait de prudence et de méfiance.
Issa Tchiroma Bakary revendique la victoire
Le candidat du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC), Issa Tchiroma Bakary, a revendiqué dès le 13 octobre sa victoire à l’élection présidentielle.
Dans une déclaration vidéo publiée sur les réseaux sociaux peu après minuit, il a exhorté le régime en place à faire preuve de grandeur et à respecter la vérité des urnes :
« Je tiens à le dire avec gravité et simplicité : le peuple a choisi. Et ce choix doit être respecté », a affirmé Tchiroma.
Des félicitations anticipées
La sortie du candidat du FSNC a été suivie de plusieurs réactions dans la sphère politique.
Certains candidats, à l’instar d’Ateki Seta, ont adressé des félicitations à Issa Tchiroma, saluant ce qu’ils qualifient de « victoire populaire ».
Ces félicitations prématurées ont cependant suscité des réserves au sein de l’opinion publique, plusieurs voix appelant au respect des procédures légales avant toute proclamation de victoire.
Le PCRN dénonce des ragots de mauvais aloi
Alors que des informations circulaient sur les réseaux sociaux selon lesquelles Cabral Libii, candidat du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN), aurait reconnu sa défaite, le parti a tenu à démentir formellement ces rumeurs.
Dans un communiqué signé le 14 octobre par Mahmoudou Moktar, directeur de campagne du candidat, le PCRN dénonce des ragots de mauvais aloi et appelle à la vigilance face à la désinformation :
« Depuis ce matin, des adeptes de fake news et propagateurs de fausses nouvelles inondent les réseaux sociaux, les plateformes numériques et les médias, prétendant que le candidat du PCRN a reconnu une prétendue défaite. Ces ragots sont infondés, inexacts, imaginaires et dénués de toute véracité. »
Selon le communiqué, la rumeur aurait pris naissance à la suite d’une interview accordée par Cabral Libii juste après la fermeture des bureaux de vote, le 12 octobre au soir. Interrogé sur les procès-verbaux en sa possession, il aurait simplement déclaré que :
« Dans certains PV, il est 3ᵉ, et dans d’autres, il est 2ᵉ. »
Pour le PCRN, ces propos ont été sortis de leur contexte et transformés en fausse déclaration de défaite. Le parti indique que sa priorité demeure la compilation rigoureuse des procès-verbaux transmis par ses représentants à travers le territoire national et la diaspora.
Incident à Garoua : un véhicule de gendarmerie incendié
Un incident a été signalé dans la ville de Garoua, au Nord du Cameroun, dans la nuit du 13 octobre.
Selon des sources sécuritaires, un véhicule de la gendarmerie a été incendié par des individus non identifiés à la suite d’échauffourées provoquées par la diffusion de résultats non officiels.
Aucune perte humaine n’a été enregistrée, et les autorités locales affirment que le calme est désormais revenu. Une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances exactes de l’incident.
Fissure au sein du FDC
Sur le plan partisan, le Front pour le Développement du Cameroun (FDC) connaît une crise interne.
Une rupture est désormais consommée entre Hiram Iyodi et Denis Emilien Atangana, président du FDC, les deux responsables s’accusant mutuellement de trahison politique et de mauvaise gestion des alliances électorales.
Cette situation illustre le climat de fragmentation qui caractérise la classe politique camerounaise à l’issue du scrutin.
Paul Atanga Nji dénonce un « acte irresponsable »
Face à la déclaration de victoire d’Issa Tchiroma, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a réagi ce 14 octobre, dénonçant un « acte irresponsable » :
« Seul le Conseil constitutionnel est habilité à proclamer les résultats d’une élection présidentielle. Toute autre démarche est illégale et de nature à troubler l’ordre public. »
Le RDPC et Grégoire Owona répliquent
Le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir, a qualifié la déclaration d’Issa Tchiroma de « grotesque canular », appelant les électeurs à ne se fier qu’aux institutions officielles.
Dans une publication sur sa page Facebook, le secrétaire général adjoint du Comité central du RDPC, le ministre Grégoire Owona, a affirmé :
« Dans un français très clair, le candidat Issa Tchiroma vient de reconnaître à la fois qu’il n’est pas vainqueur de l’élection et qu’il n’a pas tous les résultats.
Au RDPC, nous restons sereins, sachant que nous avons eu des représentants dans l’ensemble des plus de 31 000 bureaux de vote sur le territoire national.
En français facile : Tchiroma n’a pas gagné et il n’a pas les PV. »
Cette réaction faisait suite à un communiqué d’Issa Tchiroma Bakary, dans lequel celui-ci appelait à respecter « les résultats issus des urnes dans chaque bureau de vote », précisant que « c’est le seul que nous accepterons. La compilation continue ».
Ce que dit la loi camerounaise
La loi électorale camerounaise est explicite :
Seul le Conseil constitutionnel est compétent pour proclamer les résultats définitifs de l’élection présidentielle. Toute publication, diffusion ou proclamation non autorisée de résultats constitue une violation de la loi et peut donner lieu à des sanctions pénales.
L’article 113 du Code électoral stipule :
« La proclamation des résultats de l’élection présidentielle relève exclusivement du Conseil constitutionnel dans un délai maximum de quinze jours à compter du jour du scrutin. »
Un climat sous surveillance
Alors que le pays attend la proclamation officielle des résultats, les forces de sécurité demeurent déployées dans plusieurs régions sensibles.
Les appels au calme se multiplient, aussi bien du côté de la société civile que des observateurs internationaux, qui insistent sur la nécessité d’un processus transparent et apaisé.
En conclusion
Le Cameroun reste suspendu à la décision du Conseil constitutionnel, entre revendications politiques, démentis et tensions localisées.
Si le climat demeure globalement maîtrisé, la prudence reste de mise pour éviter tout débordement avant la publication des résultats officiels.
